musicinbelgium.net 12/14
Les groupes rock autrichiens ne sont pas forcément les plus courants sur cette planète et il est toujours intéressant de recevoir des nouvelles du pays de Richard Strauss en matière de musique car nos amis autrichiens peuvent se révéler surprenants. Je ne sais pas ce qu’il en est de votre part, mais quand je pense à l’Autriche, je vois plus spontanément les œuvres de Stefan Zweig ou Franz Kafka (austro-hongrois à l’époque) ou la grisaille d’une Vienne infestée d’espions durant la guerre froide que les gentilles valses de Sissi l’impératrice ou les charmantes montagnes du Tyrol. Certes, l’Autriche sait être plusattirante que cela mais côté rock, ce pays aurait quand même tendance à produire des groupes peu portés sur la plaisanterie.
Un exemple avec Phal:Angst, formation viennoise issue en 2006 de la fusion des groupes Phal et Projekt Angst. Le groupe se compose de Ph (chant, xylophone), Al(guitare, chant), Angst (instruments électroniques) et Kev (basse), une autre façon de comprendre le nom de Phal:Angst. Angst signifie peur en allemand. Ici, on est déjà sur un terrain assez sombre. Mais Phal:Angst fait aussi penser à phalange, corps d’infanterie de la Grèce antique ou groupement paramilitaire aux dures heures du franquisme espagnol. Bref, dans tous les cas, ça ne rigole pas.
On l’aura compris, Phal:Angst cultive une musique angoissée, héritée du post-punk et de la cold wave des années 80 et rejoignant les rangs du post-rock contemporain. Le groupe signe ici son troisième album, qui fait suite à “для одной руки” (2007) et”Shiver with cold” (2009). Les influences de Phal:Angst évoquent de nombreux groupes, de Front 242 à Throbbing Gristle en passant par Earth, Neurosis, Godflesh, Jesu et même un peu d’Einstürzende Neubauten pour faire joli.
“Black country”, présente cinq titres aux durées étendues, frôlant souvent le quart d’heure. Phal:Angst sculpte littéralement des masses sonores pour élaborer des ambiances éthérées et lentes, non dépourvues d’une certaine angoisse. Le chant angélique qui ouvre le premier morceau “Hardwire”, n’est qu’un chant de sirène destiné à piéger l’auditeur dans un cycle de sons répétés et stroboscopiques, où plane une guitare maigrichonne et triste. Les synthétiseurs de “Black country” sèment des tonalités assombries et entêtantes, servant un chant monotone et diaphane. Par contre, “The old has to die and the new must not be born”, tranche avec la puissance tellurique de la basse et un chant grinçant et malsain aux connotations très black metal. “Black milk of morning” revient à des sonorités plus graciles et multiplie les schémas de synthétiseurs et de guitare pendant une bonne douzaine de minutes. Quant à “Theta” qui termine le disque, il nous livre un cheminement chaotique et fatigué, martelé par un bruitisme électronique et un chant étranglé qui montent peu à peu en puissance jusqu’à ce que quelques montages sonores mêlant dialogues d’enfants et discours en allemand terminent le morceau dans une rassurante neurasthénie.
Cet album est donc bien intéressant pour les amateurs de cold wave, post-rock ou rock électronique décadent et sombre. De quoi mettre de l’ambiance dans les cimetières.
François Becquart